Lettrede Gustave Flaubert Ă  George Sand, 7 octobre 1871, Croisset, dans Gustave Flaubert - George Sand : Correspondance, Ă©ditions Flammarion, texte Ă©ditĂ© par Alphonse Jacobs. Extrait de George Sand ou l’art d’ĂȘtre grand-mĂšre, Fiction France Culture, 23 dĂ©cembre 1991.
04h11 , le 31 juillet 2016 , modifiĂ© Ă  10h25 , le 21 juin 2017 Femme de lettres et de tĂȘte, amante aux multiples conquĂȘtes et mĂšre attentionnĂ©e, muse de la rĂ©volution de fĂ©vrier 1848 et chroniqueuse subtile des sentiments les plus intimes... George Sand aura Ă©tĂ© toutes ces femmes, une et multiple, moderne avant l'heure, libre et obstinĂ©e. Une rebelle absolue et une scandaleuse avec pour seuls guides ses Ă©lans du cƓur et ses convictions d'Histoire retrace le parcours hors normes de la premiĂšre femme auteure de 70 livres Ă  travers un documentaire nourri de nombreuses interviews romanciers, historiens, journalistes, des extraits de tĂ©lĂ©films et des visites guidĂ©es dans les lieux de vie de l'Ă©crivaine. Le documentaire prĂ©sentĂ© par StĂ©phane Bern revient longuement sur la jeunesse de la jeune Amantine Aurore Lucile Dupin, baronne Dudevant. Une enfance Ă  la fois heureuse et accidentĂ©e, marquĂ©e par la mort de son pĂšre officier. AbandonnĂ©e par sa mĂšre, elle sera Ă©levĂ©e par une grand-mĂšre paternelle inconsolable. Au point d'appeler sa petite-fille "mon fils", et de lui accorder une libertĂ© alors rĂ©servĂ©e aux et cigarette, un look de scandaleuseC'est Ă  cette Ă©poque qu'elle rencontre la littĂ©rature et dĂ©vore la bibliothĂšque familiale. Avant de devenir George Sand la rebelle, qui appartenait Ă  un "troisiĂšme sexe", dixit Gustave Flaubert, Aurore Dupin aura Ă©tĂ© l'Ă©pouse modĂšle d'un notable qu'elle quittera assez vite, toujours guidĂ©e par ses dĂ©sirs d' son jeune amant Jules Sandeau, elle monte dans un Paris en pleine effervescence culturelle et commence Ă  Ă©crire ses premiers articles dans Le Figaro, anonymement comme toute femme Ă  l'Ă©poque. Elle accĂšde Ă  la notoriĂ©tĂ© en 1832, avec son premier roman, Indiana, signĂ© sous le nom George Sand empruntĂ© Ă  son amant de l'Ă©poque. Un livre-manifeste sur la condition fĂ©minine en France, pays oĂč le Code civil affirme que la femme est la propriĂ©tĂ© de l'homme "comme le fruitier est celle du jardinier". Sa carriĂšre est devient la protĂ©gĂ©e de Balzac et du tout-Paris fascinĂ© par cette petite femme d'un m aux yeux noirs, qui troque volontiers les robes inconfortables de l'Ă©poque contre une redingote noire, et enchaĂźne les aventures amoureuses avec Alfred de Musset, Chopin et tant d'autres... George Sand se comporte comme un homme, rompt quand la flamme s'Ă©teint pour la rallumer dans les bras d'un autre. Si elle a collectionnĂ© les aventures avec de grands artistes, le dernier homme de sa vie sera Alexandre Manceau, un ouvrier dĂ©cĂ©dĂ© Ă  47 ans d'une tuberculose, comme autre passion sera la politique. Elle sera de tous les combats pour la justice et l'Ă©quitĂ©, armĂ©e de sa plume, au point de devenir la muse de la rĂ©volution de 1848, puis de la Seconde RĂ©publique. George Sand fonde le journal La Cause du peuple, conseille Ledru-Rollin et Ă©crit ses discours, mais condamne la dĂ©cision d'envoyer l'armĂ©e pour mater la rĂ©volte populaire "Je ne crois pas Ă  une RĂ©publique qui tue ses prolĂ©taires", Ă©crira-t-elle depuis son refuge de Nohant, oĂč elle s'adonne avec passion Ă  la littĂ©rature, s'occupe de ses deux petites-filles et concocte des confitures... C'est lĂ , dans sa chambre bleue restĂ©e intacte, qu'elle tirera sa rĂ©vĂ©rence Ă  l'Ăąge de 72 d’Histoire George Sand, libre et passionnĂ©e, mardi Ă  20h55, France JDD papier

LouiseMarie Madeleine Guillaume de Fontaine, par son mariage Madame Dupin, est née à Paris le 28 octobre 1706 et morte au chùteau de Chenonceau, le 20 novembre 1799.CélÚbre pour sa beauté et son statut de femme d'esprit, Louise

Les Amis de Flaubert – AnnĂ©e 1956 – Bulletin n° 8 – Page 23 George Sand Ă  Croisset et Flaubert Ă  Nohant À premiĂšre vue, il semble que l’amitiĂ© si affectueuse et si solide qui liait l’auteur de Madame Bovary Ă  celui de LĂ©lia ne se soit manifestĂ©e que dans leur correspondance. Plus de quatre cents lettres, en effet, rĂ©parties assez rĂ©guliĂšrement sur un espace de dix ans, attestent l’intĂ©rĂȘt et l’attachement jamais dĂ©faillants que se vouaient les deux Ă©crivains amis. D’autre part, au cours de quinze annĂ©es, de 1859, date de leur premiĂšre rencontre, jusqu’à la mort de Sand, en 1876, les entrevues ont Ă©tĂ© plutĂŽt rares, se bornant aux brefs moments oĂč ils se trouvaient simultanĂ©ment Ă  Paris. Trois fois cependant, on le sait, George Sand a passĂ© quelques jours chez Flaubert, Ă  Croisset, et deux fois, Flaubert lui rendait sa visite Ă  Nohant. Il est peut-ĂȘtre intĂ©ressant de reproduire ici le texte complet des notes que G. Sand a jetĂ©es sur son Journal au cours de ces journĂ©es pleines de charme. MalgrĂ© le style peu soignĂ© et les phrases construites avec nĂ©gligence, on y saisit sur le vif l’atmosphĂšre de cordialitĂ© et de confiance qui caractĂ©risait ces sĂ©jours 1. SAND À CROISSET, 28-30 AoĂ»t 1866 Au mois d’aoĂ»t 1866, G. Sand se trouve Ă  Paris pour les reprĂ©sentations des Don Juan de Village, piĂšce qu’elle avait Ă©crite en collaboration avec son fils Maurice. Le 22, elle fait savoir Ă  Flaubert qu’elle a l’intention de lui rendre visite Ă  Croisset, en revenant d’un sĂ©jour chez Alexandre Dumas fils, Ă  Saint-ValĂ©ry 2. Flaubert rĂ©pond aussitĂŽt par un tĂ©lĂ©gramme et une lettre 3, fait prĂ©parer une chambre et se hĂąte d’annoncer la bonne nouvelle Ă  sa niĂšce, afin qu’elle puisse venir voir la cĂ©lĂšbre romanciĂšre Ta grand’mĂšre a voulu que je t’avertisse de cela, de peur que tu ne sois ensuite fĂąchĂ©e
 de n’avoir pas vu Mme Sand » 4. Un moment, un rhume qui la retient au logis menace de gĂąter le plaisir, mais il faut croire que le mal s’est retirĂ© Ă  temps, puisque la voilĂ  qui arrive Mardi, 28 aoĂ»t 5 
 J’arrive Ă  Rouen Ă  une heure. Je trouve Flaubert Ă  la gare avec une voiture. Il me mĂšne voir la ville, les beaux monuments, la cathĂ©drale, l’hĂŽtel de ville, Saint-Maclou, Saint-Patrice 6 c’est merveilleux. Un vieux charnier 7 et des vieilles rues, c’est trĂšs curieux. Nous arrivons Ă  Croisset Ă  trois heures et demie. La mĂšre de Flaubert est une vieille charmante. L’endroit est silencieux, la maison confortable et jolie et bien arrangĂ©e. Et un bon service, de la propretĂ©, de l’eau, des prĂ©visions, tout ce qu’on peut souhaiter. Je suis comme un coq en pĂąte. Flaubert me lit le soir une Tentation de Saint-Antoine 8 superbe. Nous bavardons dans son cabinet jusqu’à deux heures. Mercredi, 29 aoĂ»t Nous partons Ă  onze heures par le bateau Ă  vapeur, avec Mme Flaubert, sa niĂšce, son amie, Mme Vasse 9, et la fille de celle-ci, Mme de la ChaussĂ©e. Nous allons Ă  La Bouille 10. Un temps affreux, pluie et vent. Mais je reste dehors Ă  regarder l’eau qui est superbe. Et les rives idem. À La Bouille, on reste dix minutes, et on revient, avec la barre, ou le flot, ou le Mascaret, raz-de-marĂ©e On est rentrĂ© Ă  une heure. On fait du feu, on se sĂšche, on prend du thĂ©. Je repars avec Flaubert pour faire le tour de sa propriĂ©tĂ©, jardin, terrasses, verger, potager, ferme, citadelle, une vieille maison de bois bien curieuse qui lui sert de cellier, – la Sente de MoĂŻse 11. La vue d’en haut sur la Seine, le verger, abri excellent tout en haut, le terrain sec et blanc au-dessus, tout charmant, trĂšs poĂ©tique. Je m’habille ; on dĂźne trĂšs bien. Je joue aux cartes avec les deux vieilles dames. Je cause ensuite avec Flaubert et je me couche Ă  deux heures. Excellent lit ; on dort bien. Mais je retousse ; mon rhume est mĂ©content tant pis pour lui. Jeudi, 30 aoĂ»t DĂ©part de Croisset Ă  midi avec Flaubert et sa niĂšce. Nous la dĂ©posons Ă  Rouen. Nous revoyons la ville, le port 12, c’est vaste et superbe. Un beau baptistĂšre dans une Ă©glise de JĂ©suites 13. Flaubert m’emballe. Ils sont contents tous les deux de cette visite qui leur a permis de mieux se connaĂźtre. Toi, tu es un brave et bon garçon, tout grand homme que tu es, et je t’aime de tout mon cƓur », lui Ă©crit-elle le lendemain de son dĂ©part 14. Et Flaubert de rĂ©pondre Vous avez extrĂȘmement plu Ă  tout le monde. C’est comme ça ! on ne tient pas contre l’irrĂ©sistible et involontaire sĂ©duction de votre personne » 15. DĂ©jĂ , ils Ă©prouvent le besoin d’un Ă©panchement plus intime encore. Vous ĂȘtes un ĂȘtre trĂšs Ă  part, mystĂ©rieux », lui dit-elle peu aprĂšs. J’ai eu de grandes envies de vous questionner, mais un trop grand respect de vous m’en a empĂȘchĂ©e » 16. L’occasion se prĂ©sentera bientĂŽt. Car voilĂ  que la premiĂšre reprĂ©sentation de la Conjuration d’Amboise appelle Flaubert Ă  Paris AprĂšs la piĂšce de Bouilhet, rien ne vous empĂȘchera, j’espĂšre, de revenir ici avec moi, non pour un jour comme vous dites, mais pour une semaine au moins. Vous aurez votre chambre, avec un guĂ©ridon et tout ce qu’il faut pour Ă©crire » 17. George Sand, qui vient de rentrer Ă  Nohant, aprĂšs un voyage en Bretagne, accepte de bon cƓur Je ferai mon possible pour ĂȘtre Ă  Paris Ă  la reprĂ©sentation de la piĂšce de votre ami, et j’y ferai mon devoir fraternel comme toujours ; aprĂšs quoi, nous irons chez vous et j’y resterai huit jours
 Nous bavarderons, vous et moi, tant et plus. S’il fait beau, je vous forcerai Ă  courir. S’il pleut toujours, nous nous cuirons les os des guibolles en nous racontant nos peines de cƓur » 18. La premiĂšre a lieu le 29 octobre 1866, et quelques jours aprĂšs, Sand et Flaubert partent ensemble pour Croisset SAND À CROISSET, 3-10 novembre 1866 Samedi, 3 novembre 19 DĂ©part de Paris Ă  une heure avec Flaubert. Express trĂšs rapide. Temps dĂ©licieux, charmant pays, bonne causerie. A Rouen-gare, nous trouvons Mme Flaubert et son autre fils, le mĂ©decin 20. À Croisset, tour de jardin, causerie, dĂźner, recauserie et lecture jusqu’à une heure et demie. Bon lit, sommeil de plomb. Dimanche, 4 novembre Temps ravissant. Tour de jardin jusqu’au verger. Travail. Je suis trĂšs bien dans ma chambrette ; il y fait chaud. À dĂźner, la niĂšce et son mari, la vieille dame CrĂ©pet 21, tante du CrĂ©pet de Valentine. Elle s’en va demain. Patiences. Gustave me lit ensuite la fĂ©erie 22. C’est plein de choses admirables et charmantes ; trop long, trop riche, trop plein. Nous causons encore. A deux heures et demie, j’ai faim ; nous descendons chercher du poulet froid Ă  la cuisine. Nous sortons une tĂȘte dans la cour pour chercher de l’eau Ă  la pompe. Il fait doux comme au printemps. Nous mangeons, nous remontons, nous fumons, nous recausons ; nous nous quittons Ă  quatre heures du matin. Lundi, 5 novembre Toujours un temps dĂ©licieux. AprĂšs dĂ©jeuner, nous allons nous promener. J’entraĂźne Gustave qui est hĂ©roĂŻque 23. Il s’habille et il me conduit Ă  Canteleu ; c’est Ă  deux pas, en haut de la cĂŽte. Quel adorable pays, quelle douce, large et belle vue ! Je rapporte une charge de polypiers de silex 24 ; il n’y a que de ça ! Nous rentrons Ă  trois heures. Je travaille. AprĂšs dĂźner, recauserie avec Gustave. Je lui lis Cadio 25. Nous recausons et nous soupons, d’une grappe de raisin et d’une tartine de confitures. Mardi, 6 novembre Il pleut. Nous partons Ă  une heure, en bateau Ă  vapeur, pour Rouen, avec la maman. Je vas 26 avec Gustave au Cabinet d’Histoire naturelle ; reçus par M. Pouchet 27 sourd comme un pot et malade, et faisant des efforts inouĂŻs pour ĂȘtre charmant. Impossible d’échanger un mot avec lui. Mais de temps en temps, il explique, et c’est intĂ©ressant. L’aptĂ©ryx 28 ; le longipode ; le nid de quatre-vingts mĂštres de tour, avec les Ɠufs abandonnĂ©s dans le fumier ; les petits qui naissent avec des plumes ; collection de coquilles superbe. Cabinets de M. Pouchet son araignĂ©e vivante, mangeuse d’oiseaux, son crocodile 29. Nous descendons au MusĂ©e des FaĂŻences ; jardin, statues, fragments, porte de Corneille 30. Nous rentrons dĂźner chez Mme Caroline Commanville 31. Ensuite Ă  la mĂ©nagerie Schmidt 32. Superbes animaux apprivoisĂ©s comme des chiens. Les fƓtus ; la femme Ă  barbe ; une pantomime foire Saint-Romain 33. Nous rentrons Ă  minuit et demi Ă  Croisset, avec la maman qui est trĂšs vaillante et qui a fait une grande course Ă  pied. Nous causons encore jusqu’à deux heures. Mercredi, 7 novembre Temps gris, pas froid. Tour de jardin. Travail Ă  MontrevĂšche 34. JournĂ©e raisonnable. Le soir, Flaubert me lit la premiĂšre partie de son roman 35. C’est bien, bien. Il lit depuis dix heures jusqu’à deux. Nous causons jusqu’à quatre. Jeudi, 8 novembre MĂȘme temps gris. Tour de jardin. Travail. DĂźner. Causerie. Lecture du roman de Flaubert. Causerie. Vendredi, 9 novembre Malade ce matin. Je ne dĂ©jeune pas. Beau temps. Le soleil se montre un peu. Je travaille. Je fais ma malle. Samedi, 10 novembre Je quitte Croisset, bien portante ou Ă  peu prĂšs, Ă  midi et demi. Flaubert et sa mĂšre me conduisent Ă  la gare. Je pars Ă  une heure trois-quarts. En arrivant Ă  Paris, ce samedi soir-lĂ , Sand apprend la mort de son ami Charles Duveyrier. Malade de chagrin, elle s’épanche Ă  Flaubert dans quelques lettres toutes pleines de mĂ©lancolie. Je vous donne la part de mon cƓur qu’il avait », lui Ă©crit-elle. 
Aimez-moi plus qu’avant puisque j’ai de la peine » 36. Car ils sont bien familiers maintenant, remplis d’admiration l’un pour l’autre, Ă©tonnĂ©s de se dĂ©couvrir si diffĂ©rents et de s’aimer tout de mĂȘme, heureux de s’entendre, malgrĂ© leurs conceptions littĂ©raires diamĂ©tralement opposĂ©es. Écoutons Flaubert dans la premiĂšre lettre Ă©crite aprĂšs le dĂ©part de son amie Sous quelle constellation ĂȘtes-vous donc nĂ©e pour rĂ©unir dans votre personne des qualitĂ©s si diverses, si nombreuses et si rares ? Je ne sais pas quelle espĂšce de sentiment je vous porte, mais j’éprouve pour vous une tendresse particuliĂšre et que je n’ai ressentie pour personne jusqu’à prĂ©sent. Nous nous entendions bien, n’est-ce pas ?
 Nous nous sommes sĂ©parĂ©s au moment oĂč il allait nous venir sur les lĂšvres bien des choses. Toutes les portes, entre nous deux, ne sont pas encore ouvertes. Vous m’inspirez un grand respect, et je n’ose pas vous faire de questions » 37. Et voici son opinion exprimĂ©e dans une lettre Ă  Mme Roger des Genettes, et qui semble sincĂšre Mon illustre amie, Mme Sand, m’a quittĂ© samedi soir. On n’est pas meilleure femme, plus bon enfant, et moins bas-bleu. Elle travaillait toute la journĂ©e, et le soir nous bavardions comme des pies jusqu’à des trois heures du matin. Quoi qu’elle soit un peu trop bienveillante et bĂ©nisseuse, elle a des aperçus de trĂšs fin bon sens, pourvu qu’elle n’enfourche pas son dada socialiste. TrĂšs rĂ©servĂ©e en ce qui la concerne, elle parle volontiers des hommes de 48 et appuie volontiers sur leur bonne volontĂ© plus que sur leur intelligence » 38. C’est Ă  partir de ce sĂ©jour-lĂ  qu’ils commencent Ă  s’adresser cette correspondance admirable par laquelle, discutant et dĂ©fendant les questions les plus Ă©levĂ©es et les plus diverses, sans jamais pleinement s’accorder, ils ont Ă©rigĂ© un des monuments les plus curieux et les plus importants de la littĂ©rature française. L’annĂ©e s’écoule. Flaubert travaille pĂ©niblement Ă  son Éducation Sentimentale ; G. Sand, avec sa facilitĂ© ordinaire, continue MontrevĂšche et Cadio. Il y a bien, de part et d’autre, quelques projets de visite, que la maladie fait Ă©chouer. Deux fois mĂȘme, en septembre 1867, G. Sand passe tout prĂšs de Croisset, pendant un voyage en Normandie, mais Flaubert n’est pas lĂ  pour l’accueillir. En mai 1868 pourtant, elle va se rendre encore aux instances de son ami. Ils ont l’intention de partir ensemble pour Croisset vers le 20, malgrĂ© l’inquiĂ©tude qu’inspire Ă  Sand la maladie de son amie Esther Lambert 39. Mais voilĂ  que, tout Ă  coup, Flaubert, exaspĂ©rĂ© au plus haut point par les bruits de Paris qui l’empĂȘchent de dormir, se rĂ©sout Ă  quitter la capitale et Ă  retourner Ă  Croisset 40. G. Sand le suivra peu de jours aprĂšs SAND À CROISSET, 24-26 mai 1868 Dimanche. 24 mai 41 
Je voyage avec un militaire qui me rĂ©veille en me tapant sur l’épaule pour m’offrir du sucre d’orge. Nous nous quittons bons amis. Flaubert m’attend Ă  la gare et me force Ă  aller pisser pour que je ne devienne pas comme Sainte-Beuve 42. Il pleut Ă  Rouen, comme toujours. Je trouve la maman moins sourde, mais plus de jambes, hĂ©las ! Je dĂ©jeune, je cause en marchant sous la charmille que la pluie ne perce pas Je dors une heure et demie sur un fauteuil et Flaubert sur son divan. Nous recausons. On dĂźne avec la niĂšce, son mari et Mme Frankline 43. Gustave me lit ensuite une farce religieuse 44. Je me couche Ă  minuit. Lundi, 25 mai Croisset. Temps superbe. On dĂ©jeune et on va en voiture Ă  Saint-Georges 45, par une cavĂ©e charmante au milieu des bois. Des tas de fleurs partout le gĂ©ranium purpureum superbe ; des polygalas, une scrophulaire. Le Saint-Georges, ancienne abbaye romane trĂšs belle ; salle de chapitre trĂšs conservĂ©e. On va Ă  Duclair 46, oĂč on laisse reposer les chevaux, et on revient par Canteleu oĂč je monte sur le siĂšge pour voir le pays admirable. La descente, enchantĂ©e. On dĂźne avec les mĂȘmes et M. Commanville qui a le front plat. Mme Frankline chante, mal. Nous montons Ă  neuf heures. Flaubert me lit trois cents pages excellentes 47 et qui me charment. Je me couche Ă  deux heures. Je tousse beaucoup. Le tulipier est couvert de fleurs 48. Mardi, 26 mai Partie de Croisset Ă  midi avec Gustave. BibliothĂšque de la ville, visite Ă  Bouilhet ahuri 49. DĂ©part Ă  une heure et demie. Pionçade jusqu’à Paris
 Je vas dĂźner avec Maxime Du Camp ; il est bien gentil, brave cƓur
 À peine G. Sand partie, Flaubert la regrette mĂ©lancoliquement Je pense Ă  vous », lui Ă©crit-il le 28 mai dĂ©jĂ . Je m’ennuie de vous et je voudrais vous revoir, voilà
 Il faudra s’arranger pour venir ici cet automne passer une quinzaine » 50. Car il semble qu’il a besoin d’elle pour lui remonter le moral » qui est dĂ©jĂ  bien bas souvent. Voici comment il s’exprime Ă  ce sujet dans une lettre Ă  Mlle Leroyer de Chantepie J’ai eu pendant quelques jours, le mois dernier, la visite de notre amie Mme Sand. Quelle nature ! Quelle force ! Et personne en mĂȘme temps n’est d’une sociĂ©tĂ© plus calmante. Elle vous communique quelque chose de sa sĂ©rĂ©nitĂ© » 51. Mais l’automne passe, et pas de G. Sand Ă  Croisset ! La visite dont elle vient de nous raconter les dĂ©tails aura Ă©tĂ© la derniĂšre ! D’autre part, Flaubert aussi dĂ©cline les invitations. En avril 1868 dĂ©jĂ , il lui a Ă©crit Je serais perdu si je bougeais d’ici la fin de mon roman. Votre ami est un bonhomme en cire ; tout s’imprime dessus, s’y incruste, y entre. Revenu de chez vous, je ne songerais plus qu’à vous, et aux vĂŽtres, Ă  votre maison, Ă  vos paysages, aux mines des gens que j’aurais rencontrĂ©s, etc. Il me faut de grands efforts pour me recueillir ; Ă  chaque moment je dĂ©borde » 52. Pour la mĂȘme raison, il refuse d’assister au baptĂȘme des petites-filles de G. Sand, en dĂ©cembre 1868, fĂȘte Ă  laquelle on l’invite avec instance Si j’allais chez vous Ă  Nohant, j’en aurais ensuite pour un mois de rĂȘverie sur mon voyage. Des images rĂ©elles remplaceraient dans mon pauvre cerveau les images fictives que je compose Ă  grand’peine. Tout mon chĂąteau de cartes s’écroulerait » 53. Le roman avant tout en effet, avant l’amour, avant l’amitiĂ©, avant le bonheur personnel ! C’est comme ça chez Flaubert, hĂ©las ! L’Éducation Sentimentale achevĂ©e, voilĂ  un autre empĂȘchement la mort de son ami le plus intime, son alter ego, Louis Bouilhet. Flaubert va se mettre en quatre, sans succĂšs d’ailleurs, pour faire jouer une de ses piĂšces posthumes Mademoiselle AĂŻssĂ© 54. Enfin, il promet sa visite pour NoĂ«l 1869. Sand, devenue sceptique, lui rappelle cette promesse tous les jours, avec parfois un peu d’ironie malicieuse Lina 55 me charge de te dire qu’on t’autorisera Ă  ne pas quitter ta robe de chambre et tes pantoufles. Il n’y a pas de dames, pas d’étrangers. Enfin, tu nous rendras bien heureux et il y a longtemps que tu promets
 » 56. Cette fois-ci pourtant, c’est pour de bon FLAUBERT À NOHANT, 23-28 dĂ©cembre 1869 Jeudi, 23 dĂ©cembre 57 
 Flaubert et Plauchut 58 arrivent Ă  cinq heures et demie. On s’embrasse, on dĂźne, on cause, on joue du python 59 et des airs arabes. Flaubert raconte des histoires. On se quitte Ă  une heure. Vendredi, 24 dĂ©cembre Pluie et neige toute la journĂ©e. On est gai
 Je descends dĂ©jeuner avec les autres Ă  onze heures. Flaubert donne aux fillettes 60 des Ă©trennes qui les charment. Lolo porte son bĂ©bĂ© toute la journĂ©e. Elle joue dans ma chambre oĂč je reçois Flaubert et Plauchut. Et elle fait leur admiration. Elle a sa belle toilette ; Titite aussi. Tous les jeunes gens 61 viennent et dĂźnent. AprĂšs, les marionnettes, la tombola, un dĂ©cor fĂ©erique. Flaubert s’amuse comme un moutard. Arbre de NoĂ«l sur le théùtre. Cadeaux Ă  tous. Lolo s’amuse ; elle est charmante et va se coucher sagement. Lina chaude et ravie. On fait RĂ©veillon splendide. Je monte Ă  trois heures. Samedi, 25 dĂ©cembre On dĂ©jeune Ă  midi. Tout le monde est restĂ©, sauf Planet. Flaubert nous lit de trois Ă  six heures et demie sa grande fĂ©erie 62, qui fait grand plaisir, mais qui n’est pas destinĂ©e Ă  rĂ©ussir. Elle nous plaĂźt fort ; on en cause beaucoup. Comme on dĂźne tard, Lolo dĂźne avec sa sƓur. Je l’ai Ă  peine vue aujourd’hui. On est trĂšs gai ce soir. Flaubert nous fait crever de rire avec l’Enfant prodigue 63. Dimanche, 26 dĂ©cembre Beau temps bien froid. On sort au jardin, mĂȘme Flaubert qui veut voir la ferme. Nous allons partout. On lui prĂ©sente le bĂ©lier Gustave. On cause au salon, on est calme. Les fillettes charmantes. RenĂ© et Edme s’en vont. À trois heures, Maurice se dĂ©cide Ă  jouer avec Edme une improvisation, qui est charmante. Le premier acte admirablement rĂ©ussi, le second trop long ; mais trĂšs comique encore. Flaubert rit Ă  se tordre. Il apprĂ©cie les marionnettes. Edme est excellent, plein d’esprit. Je monte Ă  deux heures. Lundi, 27 dĂ©cembre Il neige sans dĂ©semparer. Fadet 64 ne veut pas mettre la patte dehors. On dĂ©jeune Ă  midi. Lolo danse toutes ses danses. Flaubert s’habille en femme et danse le cachucha 65 avec Plauchut. C’est grotesque ; on est comme des fous. Visite de M. et Mme Duvernet 66 qui nous calme. Visite du docteur. Edme et Antoine 67 parlent. Nous passons sagement la soirĂ©e Ă  causer. Adieux de Flaubert. DĂ©cidĂ©ment, Flaubert est conquis par le monde de Nohant. Pendant toute la route, je n’ai pensĂ© qu’à Nohant », Ă©crit-il le 30 dĂ©cembre Je ne peux pas vous dire combien je suis attendri de votre rĂ©ception. Quels braves et aimables gens vous faites tous. Maurice me semble l’homme heureux par excellence, et je ne puis m’empĂȘcher de l’envier, voilĂ  ! BĂ©cotez de ma part Mlle Lolo, dont je m’ennuie extrĂȘmement. Mes compliments Ă  Coq-en-bois 68 et Ă  tous les chers lubriques » dont j’ai partagĂ© les festins. Et puisque c’est le moment des souhaits de bonne annĂ©e, je vous souhaite Ă  tous la mĂȘme continuation, car je ne vois pas ce qui vous manque » 69. Les Ă©vĂ©nements de 1870-71 empĂȘchent provisoirement Flaubert de faire un nouveau sĂ©jour en Berry. Quant Ă  G. Sand, elle vieillit peu Ă  peu ; souvent malade, elle n’aime plus tellement les voyages ; elle prĂ©fĂšre rester tranquillement dans son intime Nohant, au milieu d’une famille et d’amis qui l’adorent. Elle fait pleuvoir les invitations sur la tĂȘte de Flaubert qui, de plus en plus maussade et misanthrope, se dĂ©robe toujours. Sand le lui reproche affectueusement Triste ou gai, je t’aime et je t’attends toujours, bien que tu ne parles jamais de venir nous voir et que tu en regrettes l’occasion avec empressement ; on t’aime chez nous quand mĂȘme ; on n’est pas assez littĂ©raire pour toi, chez nous, je le sais ; mais on aime et ça emploie la vie » 70. Il promet Ă  la fin de venir en janvier 1873, avec son grand ami Tourgueneff. Mais le temps s’écoule ; Flaubert est retenu au logis par une grippe tenace. Et quand il est guĂ©ri, voilĂ  que l’écrivain russe, poire molle », comme le caractĂ©rise Flaubert, ne fait que diffĂ©rer la visite de jour en jour. Enfin, ils font le serment solennel » de partir le 12 avril, veille de PĂąques. Mais c’est Flaubert seul qui entreprend le voyage, et Tourgueneff, Ă©tant encore retenu Ă  Paris, n’arrivera que le 16 FLAUBERT A NOHANT. 12-19 avril 1873 Samedi, 12 avril 71 
Flaubert arrive pendant le dĂźner. Il a plutĂŽt maigri qu’engraissĂ©. Plauchut, qui se croit mince, est aussi gros que lui. On joue au domino ; Flaubert y joue bien, mais ça l’étouffe. Il aime mieux causer avec feu. Plauchut, dĂ©mocrate en chambre, soutient la bordĂ©e ; Maurice va de l’un Ă  l’autre. J’écoute. Dimanche, 13 avril, jour de PĂąques Enfin, le soleil est revenu, il fait beau. Lina fĂȘte le printemps Ă  dĂ©jeuner il y a des fleurs sur la nappe et on mange du poussin. On va au jardin, Ă  la ferme, aux Ă©tables, Ă  Gustave 72, Ă  toutes les bĂȘtes. Flaubert fouille la bibliothĂšque et ne trouve rien qu’il ne connaisse. RenĂ© et le Docteur viennent dĂźner ; aprĂšs, on danse. Flaubert met une jupe et essaie le fandango 73. Il est bien drĂŽle, mais il Ă©touffe au bout de cinq minutes. Il est bien plus vieux que moi. Pourtant, je le trouve moins gros et moins fatiguĂ© d’aspect. Toujours trop vivant par le cerveau au dĂ©triment du corps. Notre vacarme l’assourdit. Plauchut est comme fou. Maurice a Ă©tĂ© dans la brande avec Aurore. Ils ont dĂ©couvert une mardelle 74, enfin ! Elle est ivre d’air et de plaisir. Ce soir, elle danse. Domino avec les jeunes gens. Vers minuit, Maurice Ă©pate Flaubert avec ses papillons 75. Lundi, 14 avril TrĂšs beau temps, trop chaud Ă  midi. Jardin. Leçon de Lolo 76, qui est enrhumĂ©e du cerveau et qui a ce soir un petit mouvement de fiĂšvre aprĂšs dĂźner. Flaubert nous lit son Saint-Antoine 77, de trois Ă  six et de neuf Ă  minuit. C’est splendide. RenĂ© et le Docteur sont venus et dĂźnent. Ferri 78 arrive au beau milieu de la lecture, entend avec grand plaisir deux chapitres et va dĂźner chez AngĂšle 79, pour revenir demain matin. RenĂ© est enchantĂ©, le Docteur trĂšs intĂ©ressĂ©, moi tout Ă  fait saisie et satisfaite, Plauchut Ă©patĂ© et comme rouĂ© de coups, Maurice trĂšs empoignĂ©, jusqu’à avoir mal Ă  la tĂȘte assez fort. Mardi, 15 avril TrĂšs beau temps. JournĂ©e dehors Ă  causer au jardin tout en fleurs, sans trop de rien, c’est-Ă -dire sans rien de trop au ciel et sur la terre. Ferri est venu dĂ©jeuner avec nous. Il est toujours charmant ; il s’en va Ă  deux heures. Je reste encore avec Flaubert Ă  causer jusqu’à quatre heures. Je donne la leçon Ă  Lolo. Le soir, on cause, on rit. Mercredi, 16 avril JournĂ©e grise, trĂšs chaude, mais trĂšs agrĂ©able. Nous partons pour la brande Ă  midi ; nous allons tous voir la mardelle que Maurice a dĂ©couverte avec Lolo. C’est un grand trou oĂč se rend une eau tourbeuse ; c’est tapissĂ© de grandes fougĂšres sĂšches sous lesquelles poussent au fond des herbes fraĂźches, des viola corrina, pulicaires, primevĂšres et de jeunes arbres. Promenade Ă  pied dans les genĂȘts autour d’un joli bois de pins. Les orchis commencent Ă  fleurir ; ce rose est charmant. Lolo marche comme un petit homme et Titite pas mal. On rentre pour s’habiller et dĂźner. Tourgueneff arrive Ă  la fin. Il va bien ; il est ingambe et rajeuni 80. On cause jusqu’à minuit. Jeudi, 17 avril Mauvais temps. Je ne sors pas ; les enfants non plus. Leçon d’Aurore. Causerie avec Tourgueneff et Flaubert. Tourgueneff nous lit une drĂŽlerie trĂšs animĂ©e. Les jeunes gens viennent dĂźner. On mange la dinde truffĂ©e, le pair de Plauchut. AprĂšs, on saute, on danse, on chante, on crie, on casse la tĂȘte Ă  Flaubert qui veut toujours tout empĂȘcher pour parler littĂ©rature. Il est dĂ©bordĂ©. Tourgueneff aime le bruit et la gaĂźtĂ© ; il est aussi enfant que nous. Il danse, il valse. Quel bon et brave homme de gĂ©nie ! Maurice nous lit la Balade Ă  la Nuit, on ne peut mieux. Il a grand succĂšs. Il Ă©pate Flaubert Ă  propos de tout. Vendredi, 18 avril Joli temps. Il a plu considĂ©rablement. La fosse a montĂ© une marche. Tout fleurit, les lilas, les cragaegi 81 ; les arbres de Sainte-Lucie passent dĂ©jĂ . Jardin tout le monde. Leçon de Lolo. Causerie de Flaubert bien animĂ©e et drĂŽle, mais il n’y en a que pour lui, et Tourgueneff, qui est bien plus intĂ©ressant, a peine Ă  placer un mot. Ce soir, c’est un assaut jusqu’à une heure. Enfin, on se dit adieu. Ils partent demain matin. Plauchut reste pour m’attendre. Samedi, 19 avril On, vit avec le caractĂšre plus qu’avec l’intelligence et la grandeur. Je suis fatiguĂ©e, courbaturĂ©e, de mon cher Flaubert. Je l’aime pourtant beaucoup et il est excellent, mais trop exubĂ©rant de personnalitĂ©. Il nous brise. Il pleut Ă  verse depuis midi. Je donne la leçon, Ă  Lolo. J’écris des lettres ; je ne sors pas. Ce soir, on danse, on fait du bruit, on joue aux dominos, on est bĂȘte avec dĂ©lices. On regrette Tourgueneff qu’on connaĂźt moins, qu’on aime moins, mais qui a la grĂące de la simplicitĂ© vraie et le charme de la bonhomie. Est-ce Ă  dire que Flaubert se soit peu amusĂ© Ă  Nohant ? Voici ce qu’il Ă©crit Ă  son amie, quelques jours aprĂšs son dĂ©part Il n’y a que cinq jours depuis notre sĂ©paration et je m’ennuie de vous comme une bĂȘte. Je m’ennuie d’Aurore et de toute la maisonnĂ©e, jusqu’à Fadet. Oui, c’est comme ça ; on est si bien chez vous ! vous ĂȘtes si bons et si spirituels ! Pourquoi ne peut-on vivre ensemble ? Pourquoi la vie est-elle toujours mal arrangĂ©e ? Maurice me semble ĂȘtre le type du bonheur humain. Que lui manque-t-il ? Certainement il n’a pas de plus grand envieux que moi » 82. Mais c’est bien la derniĂšre fois que Flaubert est allĂ© chez son amie Ă  Nohant, malgrĂ© plusieurs invitations pressantes. Ils ne se reverront plus qu’à Paris, le mois suivant. Et puis, c’est tout. Elle meurt, la bonne dame de Nohant », le 8 juin 1876, et parmi les amis venus de Paris pour assister Ă  son enterrement, se trouve Flaubert, pleurant comme un veau ». Il fallait la connaĂźtre comme je l’ai connue », Ă©crit-il peu aprĂšs Ă  Mlle Leroyer de Chantepie, pour savoir tout ce qu’il y avait de fĂ©minin dans ce grand homme, l’immensitĂ© de tendresse qui se trouvait dans ce gĂ©nie. Elle restera une des illustrations de la France et une gloire unique » 83. Aurait-il pu mieux exprimer l’admiration, le respect, la tendresse qu’il avait vouĂ©s Ă  celle qu’il appelait sa chĂšre maĂźtre » ? Jacobs. 1 Nous avons pu copier ces passages Ă  la BibliothĂšque Nationale, grĂące Ă  la bienveillance de Mme Cordroc’h, bibliothĂ©caire au DĂ©partement des Manuscrits ; qu’elle veuille bien accepter nos vifs remerciements. Une partie importante de ces relations a Ă©tĂ© publiĂ©e par M. AndrĂ© Maurois dans son beau livre LĂ©lla ou la Vie de George Sand, Paris, Hachette, 1952. Nous remercions l’auteur qui a bien voulu nous permettre de reproduire ces passages pour rendre notre rĂ©cit aussi complet que possible. Pour l’annotation de cet article, enfin, nous devons plusieurs renseignements Ă  M. Jacques. Toutain, PrĂ©sident des Amis de Flaubert, dont on connaĂźt le zĂšle infatigable pour rendre service aux admirateurs du grand maĂźtre de Croisset. 2 Cf. Correspondance entre George Sand et Gustave Flaubert, Paris, Calmann-LĂ©vy, s. cl. 1916, p. 10, lettres n° XII et XIII. 3 ƒuvres complĂštes de Gustave Flaubert. Correspondance, t. V, 1929, lettre n° 862. 4 Ibid. n° 861. 5 Agenda de G. Sand, 1866. Bibl. Nat., DĂ©partement des Manuscrits, nouv. acq. fr. 6 Saint Maclou, Ă©glise de style gothique flamboyant, de pierre entiĂšrement sculptĂ©e, une des merveilles de Rouen ; Saint-Patrice, Ă©glise gothique, connue surtout par ses vitraux magnifiques. 7 Ancien cimetiĂšre situĂ© Ă  cĂŽtĂ© de l’église Saint-Maclou et dont les bĂątiments existent toujours AĂźtre Saint-Maclou. 8 Il s’agit Ă©videmment de la version de 1806. 9 Mme Vasse G. Sand Ă©crit Mme Vaas Ă©tait une amie d’enfance de Mme Flaubert. Une de ses filles, Coralie, Ă©tait l’épouse de l’officier M. de la ChaussĂ©e. 10 Village situĂ© sur la Seine, Ăą dix-huit kilomĂštres au Sud-Ouest de Rouen. 11 Petit chemin rocailleux menant de Croisset Ă  Canteleu et passant prĂšs de la propriĂ©tĂ© de Flaubert. Il a disparu lorsqu’on a construit l’usine qui se trouve actuellement sur l’emplacement de la maison Flaubert. 12 Dans son Agenda, George Sand Ă©crit bien lisiblement le pont, ce qui est Ă©videmment une erreur. 13 Il y a dans l’église Saint-Romain des fonts baptismaux dont le dĂŽme en bois est ornĂ© de bas-reliefs de la Renaissance, reprĂ©sentant des scĂšnes de la Passion. 14 Corr., p. 11, n° XIV. 15 Corr. de Fl. SupplĂ©ment Éd. Jacques Lambert, t. II, n° 318. 16 Corr. p. 13, n° XVI. 17 Corr. de Fl. Éd. Conard, t. V, n° 868. 18 Corr. p. 18, n° XVIII. 19 Agenda de G. Sand, 1866. Bibl. Nat., DĂ©pt des Mss, n. a. fr. 20 Achille Flaubert, chirurgien en chef de l’HĂŽtel-Dieu de Rouen. Il Ă©tait de neuf ans plus ĂągĂ© que Gustave. 21 Femme d’un magistrat de Rouen et mĂšre d’EugĂšne CrĂ©pet, qui Ă©tait l’ami de Baudelaire et de Flaubert. 22 Le ChĂąteau des CƓurs, fait en collaboration avec Louis Bouilhet et le comte d’Osmoy. MalgrĂ© de nombreuses dĂ©marches de la part de Flaubert, la piĂšce ne fut jamais jouĂ©e. 23 On sait le peu de goĂ»t que Flaubert Ă©prouvait pour la promenade et l’exercice physique. 24 Squelette calcaire ou cornĂ© sĂ©crĂ©tĂ© par les polypes. 25 Roman dialoguĂ©, publiĂ© dans la Revue des Deux-Mondes, du 1er septembre au 15 novembre 1867, paru en volume en avril 1868. Paul Meurice l’adapta Ă  la scĂšne ; la premiĂšre reprĂ©sentation eut lieu Ă  la Porte Saint-Martin, le 3 octobre 1868. 26 Sand n’écrit presque jamais je vais » dans sa prose familiĂšre. 27 FĂ©lix-ArchimĂšde Pouchet, mĂ©decin et naturaliste, directeur du MusĂ©um d’Histoire naturelle Ă  Rouen, membre de l’AcadĂ©mie des Sciences. Son fils, Georges Pouchet, mĂ©decin et naturaliste comme son pĂšre, Ă©tait un ami assez intime de Flaubert. 28 Kiwi, genre d’oiseau propre Ă  la rĂ©gion austro-zĂ©landaise. 29 Citons ici, Ă  titre de curiositĂ©, un fragment inĂ©dit de la lettre de Flaubert Ă  Sand du 27 dĂ©cembre 1866. Corr. Éd. Conard, T. V, n° 867. L’autographe est conservĂ© dans la Coll. SpƓlberch de Lovenjoul, Ă  Chantilly Ah, j’oubliais une commission le pĂšre Pouchet m’a chargĂ© de vous dire que Il Ă©tait tellement troublĂ© par votre prĂ©sence, qu’il avait oubliĂ© de vous dire que non seulement il admirait vos Ɠuvres dĂ©mesurĂ©ment, mais encore celles de votre fils, etc. Quand il veut s’égayer, il ouvre Masques et Visages. Et il est revenu sur sa barbe qui n’était pas faite ce jour-lĂ  ». Quant au livre de Maurice Sand, Flaubert fait Ă©videmment allusion aux Masques et Bouffons ComĂ©die Italienne, Paris, Michel LĂ©vy. 30 L’ancien MusĂ©e des FaĂŻences » est devenu depuis le MusĂ©e des AntiquitĂ©s », les faĂŻences ayant Ă©tĂ© transposĂ©es dans un nouveau musĂ©e, dit MusĂ©e des cĂ©ramiques ». Dans le jardin qui entourait le MusĂ©e des FaĂŻences, on avait mis beaucoup d’antiquitĂ©s rouennaises pierres et statues ; Ă  l’intĂ©rieur du MusĂ©e, se trouvait et se trouve encore une porte en bois de chĂȘne provenant de la maison de Pierre Corneille, Ă  Rouen. 31 NiĂšce de Flaubert. Sand orthographie Comenville ». 32 La Chronique de Rouen des 1er et 15 novembre 1866 signale la mĂ©nagerie Schmidt, installĂ©e au Cirque Sainte-Marie de la foire Saint-Romain et comprenant treize lions, un tigre de Bengale, lĂ©opards, hyĂšnes, ours noirs et blancs, un Ă©norme Ă©lĂ©phant, reptiles et crocodiles. 33 C’est probablement Ă  cette occasion que Flaubert et G. Sand virent la Tentation de Saint-Antoine dans la baraque du pĂšre Legrain. 34 PiĂšce que G. Sand voulait tirer du roman du mĂȘme titre, paru en 1852. En mars 1867, elle renonça Ă  ce projet cf. lettre Ă  Flaubert du 4 mars 1867, Corr. p. 75. 35 L’Éducation Sentimentale. 36 Corr. lettres XXIV et XXVII, pp. 27 et 31. 37 Corr. Éd. Conard, T. V, n° 876. 38 Ibid., n° 875. 39 Femme du peintre EugĂšne Lambert. Elle Ă©tait sur le point d’accoucher, mais des complications rendaient l’évĂ©nement prĂ©caire. 40 On peut lire le rĂ©cit amusant de cette terrible journĂ©e dans une lettre aux Goncourt. Corr., Éd. Conard, T. V, n° 968. 41 Agenda de G. Sand, 1868. B. N., Dt des Mss, n. a. fr. 42 Sainte-Beuve souffrait Ă  ce moment d’une maladie de vessie. 43 Mme Frankline Grout, amie de Caroline Commanville, la niĂšce de Flaubert. Sand Ă©crit, Franqueline » . 44 S’agirait-il dĂ©jĂ  de la Vie et Travaux du Cruchard ? Ou plutĂŽt de L’Enfant prodigue ?Voir ce que Sand dit le 25 dĂ©cembre 1869. 45 Il existe dans le village de Saint-Martin-de-Boscherville une Ă©glise cĂ©lĂšbre du 13e siĂšcle art roman dans sa plĂ©nitude, intitulĂ©e Abbaye de Saint-Georges-de-Boscherville. L’église est encore solide, mais il ne reste de l’Abbaye qu’un petit cloĂźtre et quelques salles. 46 Petite ville, situĂ©e sur la Seine, Ă  vingt kilomĂštres Ă  l’Ouest de Rouen. 47 De l’Éducation Sentimentale. 48 Ce tulipier intĂ©ressait hautement G. Sand. À sa premiĂšre visite, elle l’avait dĂ©jĂ  remarquĂ©, et aprĂšs son retour Ă  Paris, elle en avait rĂ©clamĂ© quelques feuilles. Cf. Corr. pp. 11 et 12. 49 Bouilhet Ă©tait conservateur de la BibliothĂšque de Rouen depuis mai 1867. 50 Corr., Suppl., T. II, n° 386. 51 Corr., Éd. Conard, T. V, n° 974. 52 Ibid., n° 966. 53 Ibid., n° 1005. 54 La piĂšce ne devait ĂȘtre jouĂ©e que le 6 janvier 1872. 55 Épouse de Maurice, le fils de G. Sand. 56 Corr. p. 190, n° CXL. 57 Agenda de G. Sand, 1869. B. N., Dt des Mss, n. a. fr. 58 Edmond Plauchut, ami intime de G. Sand. 59 Plaisanterie pour serpent, instrument de musique. 60 Maurice Sand avait Ă©pousĂ©, en 1862, Lina Calamatta, fille du graveur italien Luigi Calamatta. Ils avaient deux filles, Aurore Lolo, nĂ©e le 9 janvier 1866 etGabrielle Titite, nĂ©e le 12 mars 1868. C’était surtout Aurore que Sand adorait. 61 Ainsi sont dĂ©signĂ©s ordinairement, dans les Ă©crits familiers de G. Sand, ses nouveaux amis, souvent trĂšs jeunes encore, habitant La ChĂątre et les environs de Nohant. À ce cercle appartiennent, entre autres, Maxime de Planet et les petits-neveux de Sand, RenĂ©, Edme, et Albert Simonnet. Ils venaient souvent la voir pour, Ă©gayer sa vieillesse. 62 Le ChĂąteau des CƓurs. 63 Voir la note 44. 64 Le chien de Nohant. 65 Danse espagnole trĂšs populaire. 66 Anciens amis de G. Sand, habitant La ChĂątre. 67 Antoine Ludre, fils de l’avouĂ© de G. Sand et un des jeunes gens ». 68 Personnage du théùtre cles marionnettes. 69 Corr. Suppl., T. II, n° 475. 70 Corr. p. 339, n° CCLX. 71 Agenda de G. Sand, 1873. B. N., PDt des Mss, n. a. fr. 72 Le bĂ©lier. 73 Danse espagnole d’un caractĂšre voluptueux. 74 Mardelle, syn. de Margelle. Nom donnĂ© dans le Berry aux effondrements tronconiques produits par le passage des eaux souterraines Ă  travers l’argile Ă  silex et que l’on a attribuĂ©s d’abord Ă  la main de l’homme. Larousse du XXe siĂšcle. 75 Maurice Sand avait publiĂ© en 1806 Le Monde des Papillons Paris, Rothschild. 76 Sand tenait Ă  instruire elle-mĂȘme sa petite-fille. Elle ne se privait que rarement de ce plaisir, mĂȘme quand elle Ă©tait malade ou qu’il y avait des visiteurs. 77 TerminĂ© en 1872 dĂ©jĂ , mais publiĂ© seulement en 1874. 78 Le GĂ©nĂ©ral Ferri-Pisani, attachĂ© Ă  la Maison du Prince JĂ©rĂŽme Bonaparte, grand ami de G. Sand. 79 Mme AngĂšle PĂ©rigois, nĂ©e NĂ©raud, amie de G. Sand, habitant non loin de Nohant. 80 On sait que Tourgueneff souffrait trĂšs souvent de la goutte. 81 AubĂ©pines. 82 Corr., Éd. Conard, T. VII, n° 1367. 83 Ibid., n° 1383. Allerdirectement Ă  la rubrique besoin d'aide; Choisir vos courses. Me connecter. Rayons. Recherche. Annuler. Mes produits 0,00 € Nos rayons. Promos Bio et Ă©cologique RentrĂ©e des classes C'est l'Ă©tĂ© Produits laitiers, oeufs, vĂ©gĂ©tal Boucherie, volaille, poissonnerie Charcuterie, traiteur, pain Fruits, lĂ©gumes SurgelĂ©s Epicerie sucrĂ©e Epicerie salĂ©e Eaux, jus,

Lettre vagabonde – 28 juillet 2019 De tous les temps, les femmes ont eu quelque chose Ă  dire. Leurs voix furent souvent recouvertes d’indiffĂ©rence et Ă©crasĂ©es sous le mĂ©pris. George Sand semble faire exception. Elle vĂ©cut une vie trĂ©pidante et dĂ©vouĂ©e Ă  toutes les causes. Elle a fait couler beaucoup d’encre en affichant une libertĂ© farouche et hors norme pour son Ă©poque. La formidable biographie de Michelle Perrot, publiĂ©e en 2018, apporte un Ă©clairage indispensable sur une figure de proue de son temps. Michelle Perrot nous entraĂźne dans les activitĂ©s palpitantes de Nohant jusqu’à la mort, en 1876, de l’ñme qui en dĂ©tenait le sĂ©same ouvre-toi. George Sand Ă  Nohant Une maison d’artiste, » nous fait apprĂ©cier et admirer un grand esprit du XIXe siĂšcle. La biographe a entrepris des recherches poussĂ©es Ă  commencer par la lecture de la volumineuse correspondance de ce monument Ă©pistolaire. » Ses lettres furent publiĂ©es en vingt-six tomes sous la direction de Georges Lubin. En tout cinquante mille lettres envoyĂ©es Ă  vingt mille correspondants. Active, talentueuse, littĂ©raire et scientifique, George Sand contribuera Ă  rendre meilleure la vie des gens. Elle professait ses idĂ©es libĂ©rales accordant plus de libertĂ© au peuple français, aux gens de la campagne. Elle dĂ©plorait la condition des femmes sous le joug d’une autoritĂ© masculine. Auteure de cent romans dont La petite Fadette, Consuelo et La mare au diable, on la retrouve passionnĂ©e pour la musique, le théùtre, la peinture. Cette femme s’investit Ă©galement dans l’éducation, la politique, l’agriculture, la botanique, l’entomologie et la minĂ©ralogie. Des activitĂ©s dans tous ces domaines se dĂ©roulent Ă  Nohant. GrĂące Ă  son Ă©criture, elle supportera financiĂšrement les artistes et scientifiques se rassemblant sous son toit. Heureusement, elle avait la plume facile. Je reconnus que j’écrivais vite, facilement, longtemps, sans fatigue. » clamait l’écrivaine en ajoutant, J’ai beaucoup de plaisir et d’amusement Ă  Ă©crire. » GrĂące Ă  ses voyages et Ă  son intarissable curiositĂ©, George Sand se maintenait Ă  la fine pointe des courants majeurs qui secouaient son pays. Elle dĂ©fendit la cause des paysans et fit la promotion de clubs privĂ©s afin d’instruire et former la population en politique. Se soulevant contre la condition infĂ©rieure subie par les femmes, elle qualifiait les mariages arrangĂ©s d’une forme de prostitution et de viol. Si elle consacrait son temps Ă  l’instruction de ses enfants, Solange et Maurice, elle veillait aussi Ă  instruire les domestiques et femmes de chambre. Elle leur apprenait Ă  lire. Nohant s’avĂšre un lieu accueillant et ouvert Ă  toute forme de savoir. Elle rĂȘvait grand pour Nohant et la maison fut transformĂ©e Ă  la dimension de ses projets. Les dĂźners de quinze convives Ă©taient monnaie courante. Les curieux et les amis Ă©taient rentrĂ©s dans l’orbite de Sand, de cette communautĂ© des goĂ»ts, des intelligences et des cƓurs qu’elle rĂȘvait de constituer. » Pour Sand, l’art se perdrait certainement s’il ne crĂ©ait pas de sanctuaires pour se retremper. » Auquel ajoute Michelle Perrot, Une oasis, un sanctuaire la vocation idĂ©ale de Nohant. » George Sand dĂ©ploie un dĂ©vouement inconditionnel aux artistes. Une chambre Ă  la porte capitonnĂ©e offrit Ă  FrĂ©dĂ©ric Chopin un lieu privilĂ©giĂ© oĂč il composa la majeure partie de ses Ɠuvres. Des carriĂšres de chanteuses, de musiciens prirent leur essor en ces lieux. Les peintres ne furent pas en reste. Se succĂ©dĂšrent Ă  Nohant EugĂšne Delacroix, ThĂ©odore Rousseau et bien d’autres. Ils furent dotĂ©s d’un vaste atelier. Maurice, le fils, eut aussi droit Ă  son atelier oĂč il s’adonna aux dessins et Ă  l’aquarelle. Parmi les Ă©crivains, citons HonorĂ© de Balzac, Gustave Flaubert, Tourgueniev, ThĂ©ophile Gauthier. Alexandre Dumas y sĂ©journa plus d’un mois et demi. Comme George Sand admirait toute forme d’art, elle amĂ©nagea une loge, une scĂšne et une salle ouverte au public du Berry. De grands comĂ©diens y jouĂšrent dont Arnaud Passy et Pierre Bocage. Avec Maurice Sand, le théùtre de marionnettes fut reconnu et perfectionnĂ©. La mĂšre confectionnait les costumes des personnages confectionnĂ©s par le fils. Savants et politiciens, sous la RĂ©publique s’arrogent les faveurs et l’appui de la dame de Nohant. Elle accueille les opposants au dogmatisme clĂ©rical et Ă  l’aristocratie rĂ©trograde. Elle-mĂȘme adhĂšre Ă  la rĂ©publique dĂ©mocratique et sociale. Il existe bien des façons de s’instruire et George Sand les emprunte toutes. On retrouve des volumes dans bon nombre de domaines scientifiques et artistiques. Pour chacun de ces domaines, elle a invitĂ© Ă  Nohant d’éminents spĂ©cialistes et entreprit des voyages d’exploration. Elle aura Ă©tudiĂ© dans toutes ces branches de savoir. Ses jardins bien amĂ©nagĂ©s sont la preuve de ses connaissances en botanique. La protection de la nature fut son champ de bataille. Pour accommoder tous les gens qui sĂ©journent chez elle, Sand aura créé deux ateliers de peinture, un atelier de gravure, une bibliothĂšque de huit mille volumes, un petit théùtre et un magasin de dĂ©cor. Toutes les piĂšces sont remplies. MalgrĂ© son peu de fortune, la dame de Nohant aura contribuĂ© Ă  l’avancement des arts, de la littĂ©rature et des sciences, et ce mĂȘme Ă  l’extĂ©rieur de la France. En Californie, elle a financĂ© une communautĂ© du nom de Commune libre de Mokelumne Hill oĂč se rassemblait l’immigration française. On se demande oĂč l’écrivaine trouvait le temps d’écrire. L’horaire de George Sand travailler, dormir, manger. » Son lieu d’écriture, une chambre si exiguĂ« qu’elle installe un hamac au lieu d’un lit et un bureau au lieu d’une table d’écriture. Ses agendas indiquent un respect scrupuleux de son emploi du temps. Elle Ă©crivait d’une heure du matin jusqu’en dĂ©but de matinĂ©e, dormait quatre Ă  cinq heures, dĂ©jeunait, faisait sa correspondance, travaillait Ă  l’extĂ©rieur, lisait avant de dĂźner avec les nombreux invitĂ©s et pensionnaires des lieux. Les soirĂ©es Ă©taient consacrĂ©es Ă  la musique et au théùtre. L’horaire de Churchill paraĂźt faible et terne Ă  cĂŽtĂ© de celui de Sand. Michelle Perrot nous invite Ă  Nohant oĂč George Sand nous accueille chaleureusement dans sa maison d’artiste. On partage les goĂ»ts, les rĂȘves et les connaissances de la maĂźtresse des lieux. La biographie nous livre le quotidien d’une femme exceptionnelle, douĂ©e et gĂ©nĂ©reuse ainsi que le portrait d’une Ă©poque. L’écriture est souple et entraĂźnante comme un bon roman. Une lecture motivante qui rejoint sĂ»rement les aspirations de nombreux lecteurs et lectrices. Pour voir des photos de la maison de George Sand, cliquez sur le lien ci-dessous. Maison de George Sand

GeorgeSand ouvre sa maison aux crĂ©ateurs, organisant la vie Ă  Nohant en fonction de leurs besoins, crĂ©ant une atmosphĂšre de vie collective et cependant libre qui enrichit le travail de chacun. Le salon raisonne encore des discussions, lectures Ă  voix haute et musique des artistes, hommes de lettres, hommes politiques, gens de théùtre qui s’y sont rĂ©unis : Franz Liszt, Marie
SAND, George 1804-1876 Lettre autographe signĂ©e GSand » Ă  Gustave Flaubert Paris, vendredi [31 aoĂ»t 1866 ajoutĂ© d’une autre main] 3 pages sur bifeuillet in-8 Ă  ses initiales gaufrĂ©es, Ă  l’encre noire. Habile rĂ©paration de deux petites dĂ©chirures sur deuxiĂšme feuillet, sans atteinte au texte Emouvante lettre de George Sand Ă  Gustave Flaubert, Ă©crite le lendemain de sa premiĂšre visite Ă  Croisset Embrassez d’abord pour moi votre bonne mĂšre et votre charmante niĂšce. Je suis vraiment touchĂ©e du bon accueil que j’ai reçu dans votre milieu de chanoine ou un animal errant de mon espĂšce est une anomalie qu’on pourrait trouver gĂȘnante. Au lieu de ça on m’a reçue comme si j’étais de la famille et j’ai vu que ce grand savoir vivre venait du coeur. Ne m’oubliez pas auprĂšs des trĂšs aimables amies. J’ai Ă©tĂ© vraiment trĂšs heureuse chez vous. Et puis toi, tu es un brave et bon garçon, tout grand homme que tu es et je t’aime de tout mon cƓur. J’ai la tĂȘte pleine de Rouen, de monuments, de maisons briques. Tout cela vu avec vous me frappe doublement. Mais votre maison, votre jardin, votre citadelle, c’est comme un rĂȘve et il me semble que j’y suis encore. J’ai trouvĂ© Paris tout petit hier, en traversant les ponts. J’ai envie de repartir. Je ne vous ai pas vus assez, vous et votre cadre. Mails il faut courir aux enfants qui appellent et montrent les dents. Je vous embrasse et je vous bĂ©nis tous. G. Sand. Paris Vendredi. En rentrant chez moi hier j’ai trouvĂ© Couture a qui j’ai dit de votre part que mon portrait de lui Ă©tait selon vous le meilleur qu’on eut fait. Il n’a pas Ă©tĂ© peu flattĂ©. Je vais chercher une trĂšs bonne Ă©preuve pour vous l’envoyer. J’ai oubliĂ© de prendre trois feuilles du tulipier, il faut me les envoyer dans une lettre, c’est pour quelque chose de cabalistique ». De retour d’un sĂ©jour chez Alexandre Dumas fils en Normandie Ă  Saint-ValĂ©ry-en-Caux, George Sand arrive chez Flaubert le 28 aoĂ»t. Elle y reste deux jours avant de regagner Paris. Durant les quinze annĂ©es d’amitiĂ©, Sand et Flaubert s’écrivent plus qu’ils ne se voient. Leur relation Ă©pistolaire est unanimement considĂ©rĂ©e comme l’une des plus belles du XIXe siĂšcle. Sand se rend trois fois seulement Ă  Croisset. Flaubert, quant Ă  lui, ne sĂ©journe que deux fois Ă  Nohant. Lors de ce premier sĂ©jour Ă  Croisset, George Sand ne cache pas son ravissement, ce que l’on peut voir dans la lettre du 29 aoĂ»t 1866 Ă  sa fille Je me laisse 
 entrainer Ă  rester chez Flaubert. Il a une habitation charmante au bord de l’eau, une vieille maison bien rĂ©parĂ©e, confortable avec un ancien jardin de moines remis Ă  neuf, Ă  mi-cĂŽtĂ© dans les arbres et les murs, c’est dĂ©licieux 
 Ce pays est superbe. J’ai vu hier tous les monuments intĂ©ressants de Rouen, et puis les cloĂźtres, des charniers, des rues impossibles, tout un moyen-Ăąge encore debout
 ». Nous joignons une reproduction du cĂ©lĂšbre portrait de George Sand dessinĂ©e par Thomas Couture. Lubin, tome XX, n° 12815
Lettreautographe signĂ©e « ta tante » Ă  l’épouse de son neveu Edmond Simonnet. Nohant, 23 janvier 1862 ; 2 pages in-8°. Avec son enveloppe. Sand est rassurĂ©e que le fils de son neveu ne soit pas corrompu par « l’esprit prĂȘtre » : « ChĂšre enfant, Je te renvoie la lettre de RenĂ© et je garde ses vers comme tu m’y autorises.
Edmond Plauchut, On me croit mort, mais je vis ici » Lucien-Joseph-Edmond PLAUCHUT est nĂ© le 6 janvier 1824 Ă  Saint Gaudens Haute Garonne. Sa correspondance avec George Sand dĂ©buta en 1848 qui lui rĂ©pondit par deux lettres. ExpatriĂ© volontaire Ă  la suite de la chute de la RĂ©publique, il partit vers Singapour. Au cours du voyage, il fit naufrage au large des Ăźles du Cap-Vert et ne put sauver qu’une cassette contenant les lettres de G. Sand grĂące auxquelles il fut recueilli, nourri, habillĂ© par un riche Portugais. AprĂšs de nombreux voyages vers l’ExtrĂȘme-Orient, il rencontrera George Sand en 1861. InvitĂ© Ă  Nohant en 1865, il fut trĂšs rapidement intĂ©grĂ© Ă  la vie de la famille jusqu’à sa mort en janvier 1909. C’est le seul Ă©tranger Ă  la famille inhumĂ© dans le cimetiĂšre de la famille Sand. Extrait de la vie Ă  Nohant... Le Carnaval 73 à Nohant révèle un Plauchut vêtu en Pifferaro, un Flaubert, invité de dernière heure, enfilant une jupe et s'essayant au fandango. Après la lecture, le I4 avril, par ce dernier, de son Saint-Antoine, Plauchut selon l'agenda est épaté, comme roué de coups ». Le I6, Tourgueniev s'ajoute à la bande. Dernier Carnaval en février 76 Sand fait danser les masques, arborant elle-même un grand nez à moustache. Plauchut se déguise en turc, en saltimbanque puis en ...bébé. La fête terminée, il enfile une blouse, met un faux-nez et va au bal du village faire son effet ». Ayant quitté Nohant le I3 mars, il reçoit à Paris le 11 avril une délicieuse lettre de George - la dernière, a-t-il noté, que m'écrivit George Sand » - Mon gros coco, viens donc au bercail puisque tu en as assez de Paris. Au lieu d'aller manger tes argents au bout du monde, viens voir fleurir nos lilas. Nohant est un tapis de fleurs ... Viens, et tout sera pour le mieux ». C’est, hélas, un télégramme de Maurice qui rappelle Plauchut à Nohant, en compagnie du Dr Favre. Il repart avec mission de ramener le Dr Péan, mais ce sera peine perdue. Très admiratif de la romancière, d'un dévouement à toute épreuve à son égard et envers les siens, mais aussi très proche de l'entourage berrichon, Plauchut ne pouvait pas, perdant George, perdre tout ce qui tenait à elle. La romancière aura rarement lancé à d'autres favoris des appels aussi affectueux que ceux adressés à Plauchut dans les dernières années La maison est comme veuve et vide quand tu n'es pas là », on ne vit plus tout à fait quand tu n'es pas là ». Les êtres et les murs avaient besoin de lui. La famille Sand et Nohant le gardèrent tout proche, pratiquement jusqu'en fin de vie. Signalons que s'il a pu contribuer, par sa dévotion à Sand, sa manière de commencer ses lettres par bonne mère », bonne maman », à l'embaumer avant l'heure, le bon Plauchut » n'aimait pas tellement être considéré lui-même comme tel. En témoigne une lettre où, un peu agacé de s'entendre traiter par Flaubert de trop bon », il affirme à Sand qu'il lui prend des envies, pour échapper à la suavité, de se faire délibérément canaille ». Très aimé, d'abord par George, puis par Lina et les fillettes grandissantes, il abandonnera plus tard définitivement le Bd des Italiens, emportant pour tout bagage ses pipes philippines vers sa » chambre de Nohant que Sand, peu de temps avant sa mort, avait fait rafraîchir. Tout en continuant d'écrire des articles, il se consacrera, entre deux parties de chasse, à la rédaction de ses souvenirs sur Nohant, qui paraîtront, sous le titre Autour de Nohant chez Calmann Lévy en I897. Maurice une fois disparu, le 4 septembre I889, il semble que Lina, sensible aux attentions délicates de cet ami exceptionnel, ait refait sa vie à ses côtés. Lorsqu'elle mourut, le 2 novembre 1901, il restait encore à Plauchut plus de 7 ans à vivre. Où aurait-il pu abriter sa haute silhouette à large feutre et barbichette blanche, sinon chez Gabrielle devenue propriétaire du château familial ? Il terminera pourtant ses jours à Biarritz, dans une résidence du Bd de la Grande Plage, le 30 Janvier 1909. Selon son vƓu, il est inhumé près de George Sand et des siens dans l'enclos funéraire où il a accompagné plusieurs d'entre eux. On me croit mort, mais je vis ici », lit-on sur l'épitaphe, imaginée par ce fidèle entre les fidèles, ce champion de l’amitié. Texte Marie-Louise GUILLAUMIN, Les amis de George Sand. Livre de rĂ©fĂ©rence L'ami de George Sand en Berry, Edmond Plauchut le tartarin de Nohant, par Michelle Tricot & Christiane Sand, Ă©ditions Geste. Armand Silvestre Quel monde de souvenirs Ă©veille en moi ce seul nom ! C'est en 1866 que je vis George Sand pour la premiĂšre fois. Sans me connaĂźtre, elle avait Ă©crit, pour moi, la prĂ©face d'un livre de vers dont elle avait trouvĂ© et parcouru les Ă©preuves chez EugĂšne Fromentin. Le livre est Ă©puisĂ© depuis longtemps, mais la prĂ©face a Ă©tĂ© rĂ©imprimĂ©e dans la collection Calmann LĂ©vy et mĂ©ritait cette exhumation; car elle contient de superbes aperçus sur la poĂ©sie. TĂ©moin ces lignes merveilleuses Moi je dis que la lumiĂšre naĂźtra d'une sensation traduite par l'Ă©lan poĂ©tique. Une impression spontanĂ©e, chez un esprit supĂ©rieur, caractĂ©risera tout Ă  coup l'homme nouveau. Sera-ce l'amour ou la mort qui parlera ? Peut-ĂȘtre l'un et l'autre. Peut-ĂȘtre que, dans l'extase du plaisir, excĂšs de vitalitĂ©, ou dans la voluptĂ© du dernier assoupissement, paroxysme de luciditĂ©, l'Ăąme se sentira complĂšte. Alors la vraie poĂ©sie chantera son hymne de triomphe. Les mots esprit et matiĂšre feront place Ă  un mot nouveau... » Comme tout cela est Ă©loquemment dit et d'une belle envolĂ©e lyrique ! Fromentin Ă©tait alors grand ami de Mme Sand. Je ne sais plus tard ce qui avait interrompu leurs relations, mais je sais que Fromentin pleurait, en me racontant comment, aprĂšs trois ans passĂ©s sans la voir, elle lui avait ouvert les bras comme au fils prodigue, et l'avait appelĂ© son cher enfant ! Quand j'allai la remercier de ce bienfait inattendu, elle demeurait rue des Feuillantines, dans un petit appartement assez bas. Il Ă©tait cinq heures; le jour d'hiver tombait ; il faisait sombre. Mais le modeste salon oĂč elle me reçut me parut illuminĂ© par sa prĂ©sence. Il m'est restĂ© dans l'esprit, je dirais presque dans les yeux, avec l'intensitĂ© que prennent sous les yeux les objets quand l'esprit est tout Ă  une Ă©motion. Une petite table en chĂȘne avec un tapis, une chaise haute, au mur une superbe esquisse de Delacroix, le maĂźtre de son fils. Je ne pus trouver un seul vocable, de reconnaissance. Mme Sand fut aussi quelque temps sans me parler, et le premier mot qu'elle prononça fut celui de timiditĂ©, — pour elle-mĂȘme ! Je crois bien que nous n'avons pas dit vingt paroles Ă  nous deux ce jour-lĂ . Et cependant je sortis de la adopte, . me rĂ©fugiant sous le patronage d'un esprit plein de grandeur et de tendresse, sentant en moi je ne sais quoi de filial pour ce gĂ©nie clĂ©ment aux faibles, pour cet ĂȘtre si plein d'une bontĂ© pĂ©nĂ©trante, pour cette femme auguste dont l'Ăąge nimbait le front d'une aurĂ©ole d'argent. Elle ressemblait cependant .encore, dans ce temps-lĂ , au portrait dont j'ai parlĂ© plus haut. Ce qui m'avait frappĂ©, c'Ă©tait la fermetĂ© persistante de ses traits, malgrĂ© un certain embonpoint de visage. Ils donnaient l'impression de ces images de cuivre, oĂč les rides elles-mĂȘmes ont des vigueurs et des rigiditĂ©s. Rien d'affaissĂ© dans le dĂ©veloppement du menton, rien qui sentĂźt la vieillesse. Ses mains m'avaient surtout rempli d'admiration de vraies petites mains d'homme, effilĂ©es aux doigts, lĂ©gĂšrement charnues sur le dessus, et qui semblaient modelĂ©es dans un mĂ©tal pur et souple Ă  la fois, des mains faites pour le travail et les loyales Ă©treintes... si petites avec cela! Je n'en ai jamais revu de pareilles. Quand elles laissaient tomber, dans un verre Ă  moitiĂ© plein d'eau, une cigarette achevĂ©e, elles avaient, en se relevant, comme un essor de papillon blanc qui s'envole. Ce n'est que deux ans aprĂšs que j'allai Ă  Nohant pour la premiĂšre fois. On partait de ChĂ teauroux dans une façon de diligence trois bĂȘtes efflanquĂ©es devant et un rustre au sommet, attachant ses guides au siĂšge pour pouvoir mieux fouailler des deuxbras. Une casserole derriĂšre une agonie de chevaux. Je ne dĂ©crirai pas le paysage. C'est celui que George Sand a donnĂ© pour dĂ©cor Ă  ses plus admirables romans. A vrai dire, je ne l'aurais peut-ĂȘtre pas remarquĂ© beaucoup, s'il ne m'eĂ»t fait revivre sous le charme des descriptions amoureusement lues. Mais des idylles se dressaient pour moi tout le long de la route. Tout paysan Ă©tait unChampi, et toute mendiante une Fadette. J'Ă©tais hantĂ© par ce monde charmant qui vivra dans l'immortalitĂ© de ses rĂ©cits, comme celui des Ă©glogues de ThĂ©ocrite, le grand Syracusain. J'ai compris alors combien un grand poĂšte fait sienne la terre que foulent ses pas ! Assez uniforme, d'ailleurs, ce grand chemin,, bien que bordĂ© par des horizons d'un grand aspect, Rien n'y annonce l' approche de Nohant, qu' un bouquet de gros arbres dissimule. A peine descendu, pourtant, j'Ă©tais au seuil de la maison... du chĂąteau, comme on dit lĂ -bas. J'ai mieux Ă  faire qu'Ă  en dĂ©crire l'ordonnance intĂ©rieure, qui, bien que simple, ne manque pas d'une certaine grandeur aristocratique. De hautes et larges piĂšces dominant le parc de toute la hauteur d'un perron monumental. 0 chĂšre maison ! il me semble que, pour y avoir vĂ©cu si peu de temps, j'y ai laissĂ© le meilleur de moi-mĂȘme ! Mais que d'impressions j'en ai emportĂ©es en Ă©change ! C'est lĂ  seulement, dans le milieu calme et plein d'affections saintes qu'elle avait choisi pour y vieillir, que George Sand Ă©tait elle-mĂȘme et tout entiĂšre. Ne se retirant que tard, pour travailler une partie de la nuit, elle donnait Ă  ses hĂŽtes, avec quelques heures de la journĂ©e, toutes celles de la soirĂ©e. Pendant que ses mains tourmentaient les piĂšces d'un casse-tĂȘte chinois ou habillaient une marionnette, — car elles ne restaient jamais inoccupĂ©es, ces petites mains vaillantes ! — elle causait avec un laisser aller plein de charme et un abandon plein de condescendance. Son esprit, trop crĂ©ateur pour descendre Ă  la critique, n'en formulait pas moins des jugements fort nets sur les contemporains. Je l'entendis un jour dĂ©fendre BĂ©ranger, comme poĂšte, avec une Ă©loquence pleine de finesse. Elle devina la premiĂšre, dans l'aĂźnĂ©e des filles de ThĂ©ophile Gautier, un Ă©crivain de race, hĂ©ritier du gĂ©nie paternel. Elle n'avait jamais cessĂ© de lire beaucoup, et concluait toujours quelque chose de ses lectures. Mais c'est dans les promenades du soir, en Ă©tĂ©, promenades Ă  travers le parc, et qu'elle terminait Ă  la premiĂšre tombĂ©e de la nuit, qu'elle Ă©tait vraiment admirable Ă  entendre ! Elle y parlait volontiers des grandes choses de l'Ăąme et de la vie avec la simplicitĂ© d'un esprit absolument sincĂšre, confiant dans les destinĂ©es, n'Ă©prouvant, d'ailleurs, aucun besoin de solemnitĂ© pour sonder les mystĂšres de sa propre foi. Ah! que j'ai souvent maudit l'insecte dont le vol interrompait quelqu'un de ses aperçus magnifiques sur l'avenir, en rĂ©veillant ses appĂ©tits chasseurs de naturaliste! Il s'en est peut-ĂȘtre fallu d'un simple phalĂšne venu Ă  la traverse qu'elle m'ait converti Ă  son dĂ©isme tranquillisant et Ă  son spiritualisme consolateur ! DĂ©isme d'artiste, car son plus grand argument Ă©tait la beautĂ© de la nature! Spiritualisme de privilĂ©giĂ©e, qui sentait ses admirables facultĂ©s s'aviver encore aux Ă©treintes de la vieillesse. J'attendais impatiemment l'inauguration de la statue de Millet sur la grande place de La ChĂątre. Car c'Ă©tait encore pour moi une grande curiositĂ© de savoir comment il avait compris George Sand. Non que je me dĂ©fiasse un seul instant d'un talent Ă©prouvĂ© comme le sien ; mais je ne sais pas de tachĂ© plus complexe que celle qu'il avait entreprise. Comment enfermer dans un bloc inerte le mouvement d'un des esprits le plus admirablement actifs de ce temps ? Comment faire rayonner au faĂźte d'un marbre la lumiĂšre dont vivait ce clair et brillant gĂ©nie ? Comment Ă©chauffer la pierre des feux de cette Ăąme ? Il y avait lĂ  de quoi troubler les plus hardis. Croiriez-vous qu'Ă  l'Ă©poque oĂč, sous la prĂ©sidence de Victor Hugo, une Commission s'institua solennellement pour Ă©riger un monument Ă  George Sand, dans Paris mĂȘme, un des plus cĂ©lĂšbres parmi les sculpteurs de notre jeune Ă©cole me dit fort gravement qu'il ne la concevait pas autrement que sous les traits d'une amazone ! Il y eut plusieurs George Sand, en effet, sans compter celle-lĂ , que nous laisserons Ă  la fantaisie des admirateurs Ă  venir, et qui ne sera peut-ĂȘtre pas la moins vraie. Il y eut la jeune femme qui, d'un grand essor littĂ©raire, surgit Ă©blouissante de beautĂ©, de vigueur et de poĂ©sie, enivrĂ©e de nature et jetant aux Ă©chos les accents les plus passionnĂ©s qu'oreille humaine ait jamais entendus ; il y eut la femme plus recueillie dĂ©jĂ , que les souffrances du siĂšcle avaient touchĂ©e au cƓur, dont les rĂȘves gĂ©nĂ©reux avaient couronnĂ© le front et dont Thomas Couture a laissĂ© un magnifique portrait aux deux crayons — il y eut enfin la femme vieillie qui sut entourer la fin de sa vie d'une souveraine dignitĂ©, l'aĂŻeule sainte qui, des tendresses du foyer, fit Ă  ses derniers ans une aurĂ©ole, l'ouvriĂšre obstinĂ©e d'une tĂąche de dĂ©vouement. C'est celle-lĂ  que je prĂ©fĂšre Ă  toutes, sans doute parce que c'est celle-lĂ  que j'ai connue et aimĂ©e!Armand amis... Des manifestations furent prĂ©vues les 9, 10 et 11 aoĂ»t 1884, sous la prĂ©sidence de Ferdinand de Lesseps. De nombreuses personnalitĂ©s Ă©taient prĂ©sentes, pour beaucoup hommes politiques et Ă©rudits locaux. Quelques personnalitĂ©s parisiennes se dĂ©placĂšrent, la plupart anciens amis de George Sand Armand Sylvestre, Charles Buloz, Calmann-LĂ©vy et Paul Meurice. La famille de la romanciĂšre fut reprĂ©sentĂ©e par son fils Maurice Sand. AprĂšs un hommage Ă©crit par Victor Hugo, suivirent les discours officiels des organisateurs. Dans chacune des allocutions, George Sand est un “bien” berrichon. Ainsi, le maire de La ChĂątre Mais si sa gloire rayonne au loin, nous ne saurions oublier qu'elle nous appartient plus intimement et que George Sand, par ses ravissantes peintures, fait connaĂźtre Ă  tous notre Berry et les bords de la Creuse. » Le repli identitaire local fut accentuĂ© en raison du peu d'Ă©cho rencontrĂ© par les manifestations berrichonnes, la plupart des personnalitĂ©s politiques et littĂ©raires d'envergure nationale ne s’étant pas dĂ©placĂ©es. La foule des anonymes berrichons avait palliĂ© ces absences. Si de nombreuses festivitĂ©s suivirent l'inauguration de la statue, la plupart, sans rapport avec George Sand, Ă©taient simplement populaires et ludiques retraite aux flambeaux, fĂȘtes de gymnastique, banquet de 280 convives, feu d'artifice, concours musical rĂ©unissant les orphĂ©ons et les fanfares de la rĂ©gion. Les amis de George Sand.Maurice Rollinat George Sand connaissait trĂšs bien le pĂšre de Maurice Rollinat, François 1806-1867. Dans L’histoire de ma vie, elle dit de lui "Homme d’imagination et de sentiment, lui aussi artiste comme son pĂšre, mais philosophe plus sĂ©rieux." George Sand a apprĂ©ciĂ© et conseillĂ© Maurice Rollinat lorsque celui-ci lui montrait ses Ă©crits, lui demandait conseil comme des extraits de cette lettre de George Sand Ă  jeune ami du 18 avril 1872 Ă  La ChĂątre et servant de prĂ©face au livre PoĂ©sie pour les enfants de Maurice Rollinat en tĂ©moignent "Eh bien, mon enfant, voici ce que je ferais si j’étais poĂšte ... un recueil de vers pour les enfants de six Ă  douze ans ... Le poĂšte doit rĂ©vĂ©ler aux enfants ce qu’on oublie toujours de leur rĂ©vĂ©ler la nature ... Essaie et si tu rĂ©ussis, tu auras fait une grande chose ; cela ne doit pas ĂȘtre bĂąclĂ© vite, mais mĂ»ri et gestĂ© sĂ©rieusement. Et avant tout, comme on vit de pain et que les vers n’en donnent pas, il faut toujours avoir un emploi quelconque et ne pas le nĂ©gliger ... Sur ce, fais ce que tu voudras de mon conseil, je le crois bon, voilĂ  pourquoi je te l’offre en t’embrassant." George SAND ne partageait pas le pessimisme philosophique de Maurice Rollianat. Elle essayait d’orienter le jeune poĂšte vers d’autres formes d’inspiration mais son besoin de vĂ©ritĂ© et de sincĂ©ritĂ© le dĂ©tournait de l’attitude idĂ©aliste proposĂ©e par George Sand "Il faut ouvrir les yeux tout grands et voir le beau, le joli, le mĂ©diocre comme tu vois le laid, le triste et le bizarre. Il faut tout voir et tout sentir." Au dĂ©cĂšs de George Sand, en 1876, Maurice ROLLINAT perdit un de ses soutiens les plus efficaces et les plus dĂ©sintĂ©ressĂ©s. L’influence de George Sand s’est exercĂ©e Ă  un moment oĂč Maurice Rollinat avait Ă©bauchĂ© deux livres dont Les NĂ©vroses et elle est prĂ©sente dans ses poĂšmes sur la nature. Les amis de Maurice Rollinat.
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