La saison 7 de "Fais pas si fais pas ça" arrive sur France 2 N. GUYON/FTV. Cette fin d’année 2014 semble être la période des grandes séries hexagonales, entre "Engrenages" sur Canal Plus ou "Un Village français" sur France 3. France 2 se joint au mouvement et propose la septième saison de l’un de ses programmes composant son image de marque, "Fais pas ci, Fais pas ça". Certes, le téléfilm n’a pas le réalisme glaçant ou la profondeur historique des deux programmes précités, mais il s’agit sans doute du programme familial par excellence, à mettre entre toutes les mains de tous les âges, comme il en existe peu aujourd’hui. Un succès tardif et inespéré Les audiences de cette série ne cessent d'ailleurs de monter l’an dernier, près de 5 millions de personnes ont suivi les aventures des familles Bouley et ce succès ne s’arrête pas là puisque la série familiale est l’un des programmes les plus demandés sur Pluzz, la plateforme vidéo de France Télévisions. Comment expliquer un tel succès, alors que la production a failli arrêter la série après une première saison décevante, en 2007 ? Le choix des acteurs, parents comme enfants, joue pour beaucoup, tout comme la finesse de l’écriture, et un humour décapant avec des situations dans lesquelles toutes les familles françaises peuvent se reconnaître et s’identifier. 1. Un concept original Lorsque Anne Giafferi et Thierry Bizot ont proposé cette série, en 2007, l’idée générale était assez atypique. Il s’agissait de tourner un faux documentaire où deux familles voisines de Sèvres, les Bouley et les Lepic, raconteraient face caméra leurs projets éducatifs, les premiers misant sur la confiance et la coopération, les seconds sur les valeurs, l’autorité parentale et le respect de la parole donnée. Les résultats d’audience furent en-deçà des attentes, mais les dirigeants de l’époque ont persévéré. Dès la saison 2, la série a quitté l’anonymat de la case du samedi à 19h pour se retrouver propulsée le mercredi en première partie de soirée. Le succès fut au rendez-vous. Petit à petit, grâce à cette opposition de styles entre ces Lepic Fabienne et Renaud et leurs quatre enfants Christophe, Soline, Charlotte et Lucas, sympathiques mais quelque peu rigides, et les Bouley Valérie et Denis et leurs trois enfants Tiphaine issue d’une première union, Eliott et Salomé, plus permissifs, ouverts et désireux de rester sur la même longueur d’onde malgré les conflits de générations. 2. La star, c’est le collectif Les rôles-titres de la série, ceux des parents, n'ont pas été offerts à des acteurs célèbres que tout le monde connaît, mais plutôt à des purs produits du théâtre. À part Bruno Salomone Denis Bouley, sorti d’une carrière d’humoriste, d’abord avec les "Nous C Nous" puis en solitaire, personne n’était réellement connu au-delà des spécialistes. Ce choix a permis à chacun de s’identifier au mieux à son rôle, telles Isabelle Gélinas Valérie Bouley, mère de famille faussement détendue, énergique et autoritaire, ou Valérie Bonneton Fabienne Lepic, absolument parfaite en mère de famille nombreuse oscillant en permanence entre l’hystérie et la dépression, n’hésitant pas à rudoyer ses enfants et son mari jugés trop mous auteure du fameux "À taaaaable" ouvrant chaque épisode ! Quant à Guillaume de Tonquédec Renaud Lepic, ce père de famille attaché à des valeurs un peu anciennes, un peu "réac", voué corps et âme aux robinets "Binet", rendu un peu inquiet par l’évolution du monde et de la jeunesse, souvent moqueur de ces "bobos" de Bouley, il demeure terriblement attachant car toujours authentique et aimant avec ses enfants, ce qui le force à changer quelques uns de ses préjugés. Notons au passage qu’entre temps certains d’entre eux ont reçu les honneurs de leurs pairs, de Tonquédec avec un César du meilleur second rôle pour "Le Prénom", ou Gélinas avec un Molière. Selon l’expression consacrée, ils sont devenus "bankables". 3. Les personnages des enfants ne sont pas négligés Ce qui rend cette série très enlevée et agréable à suivre, c’est le répondant qu’offrent les enfants à leurs parents. Tous, même les plus jeunes, jouent très bien mais j’aimerais souligner la performance de Soline Tiphaine Haas, parfaite dans la peau de cette jeune fille à l’opposé politique de son père, désireuse de "changer le système de l’intérieur" avec le lot d’ironie, de provocations, de jeux verbaux, de ruptures brèves que cela amène. Plus timide, Charlotte Lepic Cannelle Carré-Cassaigne fait un coming-out fracassant et peu commun sur la forme dans la saison 6. D’abord désarçonné, son père montre alors son côté aimant et son combat pour la différence semble se poursuivre dans cet opus. Enfin, Eliott Lilian Dugois tranche par son côté pince sans-rire et ironique. Il faut également mettre au crédit des producteurs un choix judicieux de "guest-stars" pour accompagner les personnages récurrents. On peut évoquer André Manoukian dans le rôle du père de Tiphaine, Frédérique Bel en voisine mannequin faisant tourner plus d’une tête, l’excellente Isabelle Nanty en gouvernante alsacienne marquée par la guigne puis en bonne sœur au chant endiablé lors du mariage de Tiphaine et Christophe, François Morel, Patrick Bruel dans son propre sosie, entre beaucoup d’autres. 4. Deux archétypes de la famille française L’écriture de la série, chapeautée par Chloé Marçais, est l’une des bases de la réussite de "Fais pas ci, Fais pas ça". Vive, directe, avec de courts dialogues, elle nous plonge dans un univers que nous connaissons tous, celui de la famille. Les petits-déjeuners embrumés, les départs pressés pour l’école, la cantine, les petites maladies, les gros chagrins d’amour, les bulletins, les week-ends chez les grands-parents, les réunions de famille sous haute tension, les excursions ratées, les mariages, les anniversaires, les jours de bac ou les tournois de judo, tout y passe jusqu’au sacro-saint repas du soir où les journées se racontent et tout le monde en prend pour son grade profs, patrons, collègues, grands-parents, droite, gauche, centre, jeunes, vieux, parfois même Dieu !. Ces scénettes sont tirées d’expériences réelles, que l'on vit en accéléré. La vie de 98% des familles françaises, qu’elles soient nucléaire, monoparentale ou traditionnelle ! Certes, cette vie est idéalisée, ce sont deux idéaux-types familiaux, l’argent ne semble pas vraiment un problème ici, mais l’effet d’identification fonctionne à plein, chacun parents, enfants, petits et grands se retrouve dans un des personnages. Ces deux familles que tout opposait sont voisines, puis complices et ne forment plus qu’une seule tribu à présent puisque leurs aînés respectifs, Tiphaine et Christophe, ont eu la riche idée de se marier et de faire naître le petit Kim. Il y a même un peu de politique C’est bien connu, en France, tout est politique, et cette série n’échappe pas à la règle. Outre des dialogues toujours collés à l’actualité, des références à quelques répliques cultes de notre histoire politique récente "bravitude" par exemple, cette série oppose les Lepic, de droite traditionnelle et humaniste, que la candidature d’un Alain Juppé satisferaient parfaitement, lecteurs du "Figaro", aux "bobos" Bouley, fans de "Libé", écolos assumé. Une telle opposition ne pouvait que faire des étincelles d’autant que les enfants prennent des chemins inverses aux parents Soline et Charlotte ne cachent pas une sympathie mélenchoniste tandis qu’Eliott se montre emprunt d’individualisme forcené voire de climato-scepticisme ! Ainsi, les saillies anti-socialistes de Renaud font-elles le sel de certaines situations, tout comme à l’inverse des références à Nadine Morano ou Christine Boutin... Voilà une série dynamique, qui suscite le rires et parfois de l’émotion notamment lors du mariage de la saison 6, "française" au sens le moins chauvin du terme.